Le Tilleul, star des jardins à la française
Si le tilleul enjambe les siècles et les pays en étant toujours aussi aimé, c’est parce qu’il fait du bien à l’homme. Paré de toutes les vertus, il est à la fois l’arbre bienfaisant du voisinage, mais aussi l’arbre noble et élégant qui participe à la création des plus beaux jardins à la Française depuis le 17ème siècle.
L’histoire du tilleul
Cet arbre traverse l’histoire, son existence aurait 55 millions d’années ! Il est présent dans tout l’hémisphère Nord, sous la forme de 45 espèces différentes.
Son nom vient du grec du mot liber (partie du bois entre l’écorce et l’aubier), tilos, devenu tilia en latin.
Tout au long de son histoire, il a suscité de nombreuses légendes, qui l’ont paré de vertus magiques et guérisseuses. Apaisement, protection des temples des dieux, fidélité à jamais, le tilleul est doté de tous les pouvoirs !
Au Moyen Age, on les plante même près des hôpitaux car ils assainissent l’air.
L’arbre qui fait du bien
Le tilleul, arbre sacré et universel, à la forte symbolique, et aimé dans le monde entier a toujours vécu auprès des hommes, tellement il leur fait du bien. Ses bienfaits se répandent comme nul autre sur l’esprit, le corps, la peau ; son parfum est une vraie fête des sens.
Son charme opère près des maisons, dans les cours d’école, sur toutes les places de village, où il a été planté de tous temps. Son écorce était même portée en amulette pour protéger hommes et animaux.
Baptisé l’arbre médecin, l’arbre de joie, l’arbre d’amour, l’arbre féminin ou encore l’arbre de lumière, c’est aussi l’arbre d’ornement par excellence.
Le tilleul, l’essence ornementale de prédilection
Dès le 16ème siècle, les botanistes ont choisi le tilleul pour le planter dans les parcs et les allées, car il fait un magnifique ombrage, embaumant au printemps. C’est aussi un arbre très résistant, d’une grande longévité, au port élégant. Il s’adapte très bien à nos climats, de l’Europe à l’Ukraine.
Dès le 17ème siècle, il est devenu l’arbre privilégié des grands jardiniers, puis des célèbres jardins à la française au 18ème, qui ont vécu leur heure de gloire sous Louis XIV, grâce à André Le Nôtre. Au point d’être copiés ensuite dans les différentes cours royales européennes, et même dans le monde entier.
L’incontournable des jardins à la française
Très structurés, la parfaite symétrie et l’architecture y étaient de rigueur. En effet, on cherchait à théâtraliser et domestiquer la Nature et le paysage, en créant des perspectives. Les composantes du jardin à la française ? Une totale maitrise avec une géométrie rigoureuse, des alignements, des terrasses et des escaliers, des perspectives, des topiaires, des fontaines, des statues…
Arbre d’alignement parfait, qui peut atteindre 40 mètres de hauteur, le tilleul formait de splendides allées, ainsi que des rideaux végétaux et des cloitres de verdure, car l’arbre supporte des tailles sévères et pousse vite. Les femmes pouvaient se promener sous leur ombre sans craindre de s’abimer le teint avec le soleil, tout en respirant le parfum odorant des délicates petites fleurs de tilleul, protégées par leurs bractées.
Quelques exemples de jardins à la française
Les jardins à la française sont à partir du 17ème siècle les jardins les plus imaginés dans les grands châteaux. Mais il fallait des « armées » de jardiniers pour les entretenir, et c’est pour cette raison économique qu’ils ont été petit à petit laissés de côté, d’autant qu’ils n’avaient pas d’utilité pratique (potager, cultures…).
- Versailles : Sous Louis XIV, l’allée de tilleuls imaginée par André Le Nôtre fait partie intégrante des extraordinaires perspectives du parc de Versailles. Elle reliait le château à une réserve pour le gibier d’eau dans le domaine de chasse royal, les Mortemets. Quasiment 100 000 tilleuls ont été plantés dans tout le domaine ! Alain Baraton, jardinier en chef de Versailles, précise que le Grand Canal de 22 hectares est bordé de 1872 tilleuls, et que toutes les allées du Parc sont encadrées de 18 500 tilleuls.
- Chambord. Demandé par Louis XV, ce jardin très régulier offre une place importante aux arbres, qui forment de vrais écrans de verdure. Ils ont été restaurés en 2016, et c’est le tilleul qui a été choisi pour reconstituer les alignements.
-
Villandry : 1016 tilleuls habillent encore aujourd’hui le parc du château.
- Palais Royal : Construit pour Richelieu au XVIIe siècle, le Palais est séparé du jardin par la galerie d’Orléans. « Quatre doubles rangées de tilleuls taillés en marquise bordent les allées du jardin. Entre ces alignements, deux grands parterres de pelouses bordées de massifs fleuris encadrent le grand bassin central et ses jeux d’eau ».
- Les Tuileries : Le plus ancien et le plus vaste jardin de Paris ! C’est à André Le Nôtre (encore lui), créateur des jardins royaux de Versailles, de Marly, de Saint-Cloud et de Saint-Germain, que Louis XIV en 1664 a demandé de redessiner le jardin. Ici encore on peut parcourir les allées ombragées de tilleuls. Pour l’anecdote, cela a été le premier jardin public de Paris : le roi l’avait ouvert « à la promenade des honnêtes gens ».
- Matignon : Dans cette résidence du Premier Ministre au cœur de Paris, au jardin dessiné par le neveu de Le Nôtre, on retrouve 2 allées de tilleuls du 18ème siècle. Les arbres, taillés en marquise, mènent à une statue et forment une perspective d’autant plus belle que l’espace entre les tilleuls se rétrécit au fur et à mesure que l’on avance.
La taille des tilleuls
Si les tilleuls peuvent être laissés en port libre, en revanche dans les jardins à la française, ils sont taillés et cicatrisent très bien.
- « Tête de chat, 🐱 ou tête de saule ». Cette vieille technique d’élagage limite le développement des arbres, avec une forme structurée. « Une tête de chat est une excroissance à l’extrémité d’une branche résultant de tailles répétées des pousses au même endroit. Les bourrelets cicatriciels fusionnent entre eux et font grossir cette tête. Les arbres taillés de cette façon stockent dans les têtes une grande proportion de leurs réserves (amidon, sucre) qui apportent une longévité supplémentaire ».
- Taille en rideaux, ou en marquise (à Versailles et dans les villes). « Le rideau est une forme géométrique (parallélépipède), avec une taille sur les 6 faces de l’alignement. « La marquise montre un rideau sur une face et une forme en demi-arche au-dessus. La marquise double présente deux arches de part et d’autre de l’alignement ».
- Taille du tilleul en parasol, ou en tonnelle (Sud de la France et places de villages) : « le houppier est baissé à environ 2,50 m pour qu’il s’étende en amplitude ».